Melinir Tome 1 - Chapitre 15 - Le conseil d'Aquira

Chapitre 15 – Le Conseil d’Aquira

Les vœux d’un Haïdalir
1.Veiller à la sécurité de son gouvernement.
2. Servir son gouvernement en cas de guerre.
3. Ne pas servir un intérêt néfaste ou personnel.
4. Travailler constamment sur l’amélioration de soi-même.
5. N’utiliser Zaor qu’en cas de nécessité.
6. Ne jamais mettre en avant son pouvoir.
7. Ne jamais se séparer de son arme.
8. Assumer la fonction jusqu’à sa mort.

Obligations – Recueil des Dix Maîtres
Melinir Tome 1 - Chapitre 15 - Le conseil d'Aquira

   L’établissement, constitué de briques, dominait la place de toute sa grandeur. Il était construit en style gothique et comportait de nombreux étages. On pouvait distinguer au sommet une petite tour relativement large qui contenait entre autres la salle de réunion du Conseil.

   Merino entra par la porte principale, invitant Eldan à le suivre.

   − Pourquoi me faire venir au Conseil ?

   − Je dois t’informer sur la situation actuelle de Melinir. Suis-moi.

   Le hall d’entrée était vaste et chaque pas résonnait sur les dalles brillantes. Il y avait aux coins deux bureaux d’accueil qui permettait de diriger les visiteurs vers les différents étages. Merino adressa un signe de tête courtois aux deux vieilles dames qui tenaient les postes.

   Ils prirent les escaliers pour accéder au premier étage et y croisèrent plusieurs personnes qui saluèrent poliment le maître d’armes. Eldan remarqua que chaque niveau correspondait à un département ; le troisième, où ils s’arrêtèrent, était celui des Ressources militaires.

   − Mon bureau est au fond à gauche.

   Ils longèrent le couloir qui leur parut aussi froid qu’accueillant. Chaque porte de bureau portait une étiquette avec un nom, Eldan identifia celui de la troisième : Darg Gadélia. Puis la suivante, sa femme : Lyss Gadélia. Il en déduit qu’ils devaient être les parents de Lalya.

   Ils entrèrent dans celui de Merino.

   La salle, relativement vaste, était en grand désordre, on pouvait voir qu’il avait dû être confronté à des centaines d’heures de travail acharné. Une table − recouverte de parchemins et de documents administratifs − était installée devant son bureau.

   Merino sortit une carte complète des villes de Melinir, comportant aussi les frontières et les routes principales.

   − Étudions-la, dit-il.

   C’était la première fois qu’Eldan en vit une aussi grande, contrairement à celles de Hatteron qui avaient la taille d’un parchemin. Merino prit donc le temps de bien lui faire remarquer les différents territoires et frontières.

   − Ne mets surtout pas les pieds au Désert Bruet, mais je pense que tu l’avais déjà compris. C’est le repère des Huttlords et des Hassamdaïs, et le siège de sa Forteresse.

   – Oui, je sais que je viens d’un village reculé, mais quand même… je ne suis pas stupide.

   – Sulfrat non plus, pas un orteil, pas même l’idée d’y aller, continua-t-il sans baisser d’un ton, la ville est contrôlée par Rha-Zorak. Il a des espions dans tous les coins de rue et des relations avec pratiquement tous les clans.

   « La ville la plus sûre en dehors d’Aquira est Nimendal, situé dans les profondeurs de la Forêt des Penseurs. Tu y trouveras un refuge, l’environnement leur est favorable et la ville est bien protégée. Si tu t’y rends, demande un homme nommé Balnert, le bras droit du Gouverneur. Indique-lui la raison de ta venue et il te procurera un toit ainsi qu’une sécurité adéquate.

   « Sulleda, Airatt et Elloros sont des villes bien reculées, plus dangereuses que Nimendal. Restes-y sur tes gardes. Jiard et Sitcar sont plus petites, l’ennemi peut y voyager très facilement, mais il ne s’y rend que très rarement. Horp est l’une des plus vulnérables, car son Gouverneur, Lord Sumenar est le plus enclin à s’allier à Rha-Zorak, et je crois qu’il a déjà placé des hommes pour surveiller le trafic maritime vers Sulleda et toute l’Île du Sud.

   « La Région des Tempêtes, je ne t’en parle même pas, inutile de prendre le risque de la traverser.

   « Le Marais d’Ilirme est froid, humide et hostile. Il n’y a qu’une personne qui y habite, un vieil ermite qui hanterait le marécage ; évite-le comme la peste, mais je ne vois pas une seule raison valable de t’aventurer dans cette tourbière. Il t’offrira tout ce qu’il possède pour t’attirer chez lui, mais te poignardera une fois le dos tourné, pour s’amuser, ou par simple et pure curiosité.

   « Voilà, j’en ai terminé pour les territoires. Prends cette carte avec toi, continue d’analyser les possibilités qui s’offrent à toi et surtout, souviens-toi de mes recommandations.

   Merino tendit la carte à Eldan qui la plia pour la ranger dans une grande poche de son sac en bandoulière. Le maître d’armes en sortit une nouvelle qui comportait le cheminement et la dénivellation, puis reprit ses explications en l’étendant sur la table. Il lui indiqua de manière détaillée les meilleures routes à prendre et le mit en garde sur celles à éviter.

   Après avoir terminé les études géographiques, Eldan s’avança près de sa bibliothèque et sortit un livre qu’il avait repéré tout à l’heure. Il s’intitulait Recueil des Dix Maîtres.

   – Les fondateurs de Zaor ?

   – Exactement, à la page soixante, tu peux y lire les vœux d’un Haïdalir. Ceux que tu aurais dû tenir devant le Conseil si tu avais choisi d’assumer les pleines responsabilités de cette fonction.

   Les explications terminées, Merino invita Eldan à quitter les lieux, il sortit ensuite un trousseau garni d’une bonne dizaine de clés pour verrouiller la porte. Lorsqu’ils prirent les escaliers, ils tombèrent nez à nez avec un homme qui lisait un document ; il regagnait apparemment son bureau.

   − Bonjour, Merino ! dit-il avec entrain.

   − Darg ! Qu’est-ce qui me vaut le plaisir de ta venue ?

   Il devait s’agir de Darg Gadélia, le père de Lalya, se dit Eldan.

   L’homme continua :

   − Il faudrait que nous discutions du dernier projet de Delzar, il me semble flou, je crois que tu détiens plus d’informations au sujet du stock de lances. Tu pourrais m’indiquer lesquelles sont encore en état ?

   − Oui, en vitesse. Allons dans mon bureau.

   − Voilà quelques jours que nous ne t’avons pas vu. Du travail au musée ?

   − En quelque sorte, quelques rénovations et… un nouveau venu qui réclame une attention particulière, dit-il en regardant Eldan d’un air bienfaisant. Mais ne te tourmente pas, je n’écarte pas mes obligations du Conseil, j’y travaille en parallèle !

   Puis, le maître d’armes s’adressa à Eldan :

   − Va m’attendre devant la fontaine, je te rejoins dans quelques instants.

   Eldan acquiesça et laissa vaquer les deux hommes à leur tâche.

   Lalya ne lui ressemblait pas tellement, trouvait-il. C’était un grand homme sévère, carré d’épaules, incarnant les responsabilités et la droiture.

   Eldan sortit du bâtiment et s’installa sur un banc près de la fontaine. Il s’étira comme l’aurait fait un chat après avoir mangé, et remarqua que son mal de tête s’était calmé, pour son plus grand contentement, se demandant aussi si Mornar n’avait pas dégobillé la dinde de Merino sur les pieds de son instructeur. Mais il chassa cette image de sa tête pour passer en revue ce qu’il venait d’apprendre, et étonnamment, il se souvenait de tout.

   Quand il eut terminé, il se mit à observer l’animation qui l’entourait, mais resta obnubilé par l’architecture de la place Pyla. Il n’y avait pas à dire, la fontaine scintillant dans le soleil, les jardins de lilas, les sculptures de marbre blanc, c’était indiscutablement le spectacle le plus harmonieux qu’il n’avait jamais vu.

   Après avoir analysé l’effigie d’un fantassin du millénaire passé, son regard s’arrêta sur un homme d’une trentaine d’années qui semblait attendre quelqu’un, c’est du moins l’attitude qu’il dégageait. L’inconnu se tenait à une dizaine de mètres de lui, étrangement calme et immobile. Il était fin, mais avait une silhouette athlétique et des cheveux noirs, légèrement grisonnants. L’homme le scruta à de nombreuses reprises d’une manière inquiétante. Eldan l’observa à son tour, mais l’individu détourna la tête puis s’en alla, ce qui ne lui permit pas de définir clairement ses traits. Il ne l’avait jamais vu et pourtant, il ne put s’empêcher d’en avoir un mauvais pressentiment.

   Il espérait que la raison de son inquiétude si soudaine était due à sa dernière confrontation avec le Pillard, où il avait failli finir embroché pour de bon.

   Merino sortit à l’instant, et l’invita à le suivre d’un signe de main. Ils reprirent donc la route en prenant soin d’éviter la place où gisait le Pillard, empruntant un léger détour par de fines ruelles que le maître d’armes connaissait comme sa poche. Ils se quittèrent quand Eldan arriva devant le Trappeur, Merino l’informa que l’entraînement reprendrait le lendemain avant de continuer sa route en direction du musée.

   Eldan passa le reste de la journée à étudier les différents documents reçus, car il devait se préparer à effectuer un voyage qui pouvait durer plusieurs mois.

   Mornar rentra de son entraînement quelques heures plus tard, apparemment exténué.

   − Plus jamais, dit-il. Plus jamais une goutte d’alcool ! J’aurais pu manquer une vache dans un corridor !

   Eldan ne put s’empêcher de lâcher un petit rire compatissant en voyant l’air dépité de son ami et lui conta aussitôt sa nouvelle rencontre avec le Pillard pour lui faire comprendre que sa journée n’était pas aussi catastrophique qu’il ne le pensait.

   − Cette bande de salauds nous en voulait vraiment, ajouta Mornar en fronçant les sourcils.

   − Malheureusement…

   − J’ai moi aussi une mauvaise nouvelle ; un archer m’a dit avoir vu deux Huttlords marcher dans la ville, en pleine nuit.

   − Ce serait étonnant qu’ils aient pénétré aussi facilement dans la cité, mais on ne doit pas prendre cet avertissement à la légère, tu te souviens comment ça a terminé la dernière fois ? Nous devrons redoubler de prudence… Je ne voudrais pas me retrouver à nouveau nez à nez avec l’un d’eux.

   − Ne t’inquiète pas, ce n’est pas mon intention… tu crois qu’ils nous recherchent ? demanda Mornar, la mine soucieuse.

   − Je n’en sais rien. Je pense qu’ils ont dû nous pourchasser durant notre route, mais j’ignore s’ils ont continué leurs recherches à l’intérieur de la ville. Elle est gigantesque et très bien défendue, ils ne peuvent donc pas se déplacer librement, et je doute que nous soyons les seuls en conflit avec eux, regarde Samon.

   Eldan tentait de le rassurer, mais aucun des deux n’en était vraiment convaincu.

   Les trois jours suivants se déroulèrent sans autres mauvaises surprises ; chacun suivait l’entraînement de son côté en progressant aussi vite que le supportait leur pauvre corps.

   Merino lui apprit de nombreuses techniques de contre et de feintes qui s’avéraient très efficaces. Eldan commençait à ressentir plus sensiblement les mouvements, à mieux déceler les coups de son adversaire. Ses réflexes et sa réactivité étaient eux aussi en de bonnes voies, de même que la confiance qui le gagnait de jour en jour.

   Il n’eut pas non plus de nouvelles des deux Huttlords, ce qui, en fin de compte ne le rassurait pas vraiment.