Melinir Tome 1 - Chapitre 18 - L'imprévu

Chapitre 18 – L’imprévu

Stalgale : Lieu de culte et rituels religieux où des pierres dressées sont disposées autour d’un bloc de marbre, et où des hommes étaient sacrifiés pour la gloire d’anciens dieux. Une pratique abolie en 1654 durant laquelle tous les chefs de culte furent assassinés lors d’une réunion à Nimendal.

Alimentation et Culture – Encyclopédie du Savoir d’Aquira
Melinir Tome 1 - Chapitre 18 - L'imprévu

   L’auberge n’était plus très loin, la rue d’après. Les deux créatures rêvaient de vengeance, désirant à tout prix remplir leur devoir et ainsi satisfaire l’Éternel.

   La nuit était tombée depuis quelques heures et personne ne marchait dans les rues, ils étaient seuls. L’écriteau du Trappeur basculait lentement au-dessus d’un porche florissant.

   « Enfin », se dirent-ils.

   Ils pénétrèrent dans l’établissement, mais étrangement, ne sentirent pas ce qu’ils s’attendaient à discerner avec abondance : une aura de destruction.

   Zaor n’était pas ici.

   Ils gravirent comme indiqué les escaliers sur la gauche quatre par quatre, en grognant bruyamment.

   Ils entrèrent dans la première chambre : c’était un couple, et ressortirent aussitôt puis continuèrent leurs recherches dans les voisines, mais aucun homme ne correspondait au profil décrit par Etimer.

   Ils avaient le sombre sentiment qu’ils n’allaient pas retrouver dans cette auberge ce qu’ils convoitaient avec tant d’acharnement. Le Pillard aurait osé leur mentir ? Ils savaient très bien que non. Le mensonge était quelque chose qu’ils savaient décrypter sans aucun problème, cela signifiait donc qu’ils arrivaient trop tard, et qu’encore une fois ce maudit Haïdalir les avait devancés.

   Des cris de terreur commencèrent à résonner dans le Trappeur, car les deux créatures ne se contentaient pas d’une simple fouille ; ils saccageaient systématiquement toutes les chambres dans lesquelles ils entraient, en examinant les moindres recoins possibles où ce morveux aurait pu se cacher.

   Ce fut à nouveau sans résultats, ils sortirent donc dans le corridor pour se rendre à l’étage inférieur et fouiller le bar, mais un homme en chemise de nuit les intercepta avant qu’ils ne puissent prendre l’escalier.

   − Quel est ce grabuge ?! s’écria Samon en les éclairant avec une lanterne. Que faites-vous dans mon… auberge ?

   Sa voix s’estompa comme une flamme sans oxygène lorsqu’il découvrit à qui il avait affaire.

   − Non …

   − Où sont les deux jeunes humains ? vociféra Harghour.

   − Vous devez vous tromper…

   − OÙ SONT-ILS ?

   − Je ne sais pas de qui vous voulez parler !

   − Ne m’oblige pas à reformuler ma question, l’avertit-il en dégainant une flamberge. Deux jeunes hommes sont venus séjourner ici, l’un d’eux possédait une épée particulièrement importante, dis-nous où ils sont allés.

   Samon recula d’un pas :

   − Oui, je crois savoir qui vous recherchez. Un fermier et un forgeron originaires de Hatteron ont pris des chambres, mais ils sont partis aujourd’hui ; ils ont payé et ont emporté leurs chevaux. Je n’en sais pas plus.

   Harghour lâcha un cri rauque et remua sa bouche verticale, ses yeux devenant aussi rouges qu’un brasier, attisant une haine brûlante.

   Il s’avança vers son interlocuteur et lui planta instantanément sa lame dans le ventre, puis le poussa sur le dos. À terre, Samon régurgita du sang en s’étouffant, et la créature finit son travail en lui transperçant la bouche de part en part. Sa tête percuta le sol dans un craquement froid et lugubre.

   Ils dévalèrent ensuite l’escalier en colimaçon pour se rendre à l’écurie.

   Rahcsar ouvrit les narines et se mit à flairer une piste :

   − La senteur de leurs chevaux nous guidera jusqu’à eux. Je pourrai les pister sans problèmes.

   − Alors en route, acquiesça Harghour. L’arme est toujours en ville, je la sens aussi.

   Ils avancèrent au pas de course, Rahcsar reniflant bruyamment l’émanation des juments. Il l’aurait reconnu entre mille autres : une odeur de pâturage, de fumier, de sapins et de hêtres qui n’imprégnait d’habitude pas les montures d’Aquira.

   Après quelques rues, ils arrivèrent devant un musée particulièrement grand où ils virent un homme au crâne dégarni refermer discrètement les portes. À côté se trouvait une écurie bien entretenue qui devait appartenir à quelqu’un de fortuné.

   L’odeur venait de cette écurie, c’était donc ici que les deux voleurs s’étaient rendus ; et pour confirmer leurs suppositions, ils vérifièrent la présence des deux juments.

   Cette fois, ils avaient vu juste et n’allaient pas tarder à lui mettre la main dessus. Ils suivirent donc leur instinct qui les guida jusqu’aux portes du muséum.

   La première sensation qui leur sauta à la gorge lorsqu’ils entrèrent fut un sentiment de danger, comme si un murmure leur soufflait de s’en aller et les avertissait qu’ils se confronteraient à une force contre laquelle il était impossible de lutter ; une menace bien réelle qui leur fit comprendre que Zaor devait être à proximité, et rayonnait de puissance entre les mains de son nouveau détenteur.

   Marchant sans bruit, ils s’enfoncèrent dans le hall.

   En traversant la salle, ils prirent soin d’éviter une statue qui représentait ce qu’ils espéraient ne jamais rencontrer un jour, une menace peut-être plus conséquente pour eux que Haïdalir.

   Alheam Nithril.

   Ils arrivèrent devant une porte, et savaient que derrière elle, se tenait l’homme qu’ils rêvaient d’abattre depuis qu’ils avaient mis les pieds à Hatteron, un désir qui anéantissait littéralement les avertissements que leur insufflait Zaor. Chacun sortit son arme, Harghour une flamberge, Rahcsar, une hache à deux mains. Ils défoncèrent la porte d’un grand coup de pied, la faisant s’écraser par terre dans un bruit sourd qui résonna dans le musée.

   Un imprévu les attendait encore une fois, une flèche fusa sur Harghour qui la reçut en pleine cuisse. Il la retira sauvagement et se rua en direction de son tireur, mais c’était peine perdue, car ils quittaient le bâtiment en empruntant une porte de secours à l’autre extrémité de la salle. Rahcsar reconnut Haïdalir : un jeune homme aux cheveux bruns et aux larges épaules.

   Le Huttlord bondit comme un ours qui n’avait pas mangé depuis une semaine, mais ne put atteindre sa cible. Le meurtrier de HuaǶird venait lui aussi de sortir par la porte de secours.

   Rahcsar continua sa charge et passa au travers de la porte sans ralentir, précédant son compagnon qui était blessé à la cuisse. Ils étaient à présent dans un jardin qui était à proximité de l’écurie.

   Herbes et terre s’arrachèrent lorsqu’ils prirent un virage pour tenter de les rattraper, et avant qu’ils n’aient pu atteindre l’écurie, un bruit de galop leur indiqua qu’ils pouvaient stopper leur course-poursuite.

   – Ils ont réussi à prendre leurs chevaux…, dit Rahcsar à son compagnon qui venait de le rejoindre.

   – Peu importe, dès qu’ils auront quitté Aquira, nous n’aurons aucun mal à les pister.

   La haine, l’un des seuls sentiments qu’ils acceptaient pleinement, commençait à ne plus les quitter depuis quelques jours.