Haïdalir : Traduit littéralement du Langage de l’Est par Force Supérieure. Une terminologie développée pour définir un détenteur ou ancien détenteur de Zaor. Une lignée de guerriers qui n’a jamais été officialisée en public. Un Haïdalir est formé à l’Éclanergie et au maniement de l’épée. Il sert le Conseil d’Aquira pour des missions confidentielles et a l’obligation d’apporter son aide en cas de guerre. Comme l’a fait Haïdalir Salvatar Rasili lors de la guerre noire en 704 où il décima plus de cent-cinquante soldats et vingt-trois Huttlords.
Guerriers de l’Histoire – Archive du Département Militaire d’Aquira
Merino l’attendait devant la statue d’Alheam Nithril, puis l’invita à le suivre pour se rendre à l’hôtel de ville, résidence du Conseil d’Aquira.
Ils choisirent de s’y rendre à pied, ce qui ne déplut pas à Eldan, qui espérait ainsi atténuer son mal de crâne. Le maître d’armes était vêtu d’une longue tunique de soie ardoise et portait une dague à son ceinturon. Il avançait à grandes foulées, et semblait en pleine forme, contrairement au jeune homme qui avait la tête comme une enclume.
Se remémorant du repas de la veille, Eldan aborda un sujet qui lui avait considérablement pris la tête.
− Pourquoi avoir convié Lalya hier soir ? Vous l’avez consciencieusement écarté du projet durant toute la soirée.
− C’est une jolie fille, n’est-ce pas ? le piqua Merino qui avait remarqué son attrait.
− Effectivement, maugréa-t-il en repensant à Mornar. Mais dites-moi la vérité, vous attendiez quelque chose d’autre de sa part, non ?
− Bien vu mon garçon. Je vois que rien ne t’échappe… Il y a effectivement une autre raison pour laquelle je l’aie invité ; Lalya est une fille… comment dire, différente.
− J’avais remarqué…, soutenu Eldan.
− Je ne te parle pas de son apparence physique, triple andouille ! Mais d’un talent hors du commun qu’elle possède, un don unique dont elle est la seule à disposer.
Eldan écarquilla les yeux et attendit avec engouement la suite de ses révélations, souhaitant connaître davantage sur cette mystérieuse fille.
− Au contact d’un objet, elle peut avoir des visions.
− Des visions ?!
Merino continua d’une voix sincère :
− Elle peut voir clairement un événement dans le passé, comme si elle y était. Mais malheureusement, cet étrange pouvoir est resté totalement imprévisible, elle n’a jamais pu le contrôler. Ses parents l’ont d’abord crue folle lorsqu’elle a commencé à dire ce qu’elle voyait, car elle ne devait pas avoir plus de quatre ou cinq ans. Mais lors d’une visite au musée, elle a touché le casque d’un Barbare et m’a ensuite décrit sa mort dans les moindres détails, en spécifiant où et comment. Il était impossible qu’elle sache lire, à cet âge-là, et ne pouvait donc connaître son origine. Depuis ce jour, j’ai travaillé sans relâche avec elle pour qu’elle puisse contrôler ce pouvoir, mais ça n’a malheureusement jamais rien donné. Et ce n’était pas ses parents qui, débordés de travail, se sont préoccupés de son état mental ; ce n’était surtout pas leur problème qu’une fillette de quatre ans pouvait voir des horreurs à longueur de journée, dit-il sur un ton qui apparemment semblait l’affecter. Et crois-moi, ce qu’elle voit est lié à des souvenirs très forts, donc souvent d’une certaine gravité.
« Elle nous a pourtant aidés à de nombreuses reprises. Un exemple : l’un de nos soldats avait été capturé par un clan de Pillards, et personne ne connaissait l’emplacement de leur repère, jusqu’à ce que je lui fasse toucher le bouclier du captif, ce qui nous a permis de le retrouver en moins d’une journée. Son pouvoir est d’une utilité sans précédent, voilà pourquoi je souhaitais qu’elle reste ici. Aquira a besoin d’elle.
Eldan acquiesça d’un signe de tête.
Effectivement, il comprenait à présent pourquoi elle désirait tant toucher Zaor. Elle espérait découvrir des informations qui leur permettraient peut-être de les mener vers un autre Haïdalir.
Cette nouvelle facette de sa personnalité animait davantage la fascination qu’il éprouvait envers elle.
− C’était donc l’unique but de sa présence ?
− Oui. Retrouver quelqu’un qui pourra te soulager de ton fardeau, mais cela ne s’est pas passé comme prévu, dit-il avec un sourire apaisant. Comme je te l’ai dit, son don est exceptionnel, mais reste totalement imprévisible.
Ils marchaient le long d’une route bosselée. La rue était bondée de monde, laissant apercevoir un grand nombre d’enfants jouer entre eux, certains couchés sur le ventre pour une partie de dés, d’autres courant en remontant la rue. Non loin de là, une charrette remplie de foin circulait tant bien que mal au milieu de la foule. Eldan s’émerveillait devant le spectacle qui s’avérait si simple, et pourtant si attachant. Après observation, le jeune homme remarqua qu’il n’était jamais passé dans le recoin.
Sans s’attarder, ils continuèrent d’avancer.
Ils progressèrent à présent dans une vaste place, bien moins peuplé. Elle semblait convenir aux transports de marchandises, aliments et bétail. Sur leur droite, deux hommes et une femme montaient une longue banderole au-dessus d’une taverne, dix autres formaient des foyers et fixaient des marmites. Des tables et des bancs étaient disposés en vrac devant une gigantesque tente, une fête était probablement en cours de préparation.
Mais l’attention d’Eldan se porta sur un tout autre détail. Un homme qui s’approchait de lui avec une attitude particulièrement étrange. Il semblait lui aussi le reconnaître. En croisant son regard, il repéra un hématome sur son œil gauche et reconnut un regard perfide qu’il avait déjà rencontré, sans pour autant se rappeler d’où lui venait cette certitude. Qui était-ce ?
Sa démarche et son visage sévère lui mirent la puce à l’oreille dans un frisson glacial qui lui comprima le cœur. Le sang allait couler.
Ils se croisèrent sans se quitter des yeux, sourcils plissés. Puis, l’identité de l’individu lui apparut comme un coup de fouet, comme une dure réalité qu’il avait effacée de sa mémoire. Il se retourna, sachant qu’il ferait face au Pillard qu’il avait assommé quelques jours plus tôt. Tout s’était passé si vite qu’Eldan avait oublié qu’il ne l’avait pas tué.
Haïdalir se retourna en vitesse, main sur son épée. Mais c’était trop tard, le Pillard venait de se glisser vers lui en sortant un poignard qui allait finir entre ses côtes.
Alors que l’assassin voulut passer à l’action, la pointe d’une dague ressortit de son sternum, Merino se tenait derrière lui, avec un regard noir dressé comme une sentence irrévocable.
Personne ne semblait avoir remarqué l’incident, sauf Eldan qui était resté figé de stupeur.
− Continue d’avancer sans te retourner. Ne laissons personne s’ameuter autour de nous, ordonna-t-il en relâchant sa victime. Qui était-il ?
− C’était l’un des Pillards qui nous avait agressés près du Lac Mélam, répondit Eldan. J’ai mis du temps à le reconnaître… j’aurais pourtant dû m’en rendre compte, enfin bon… merci, je n’ai pas été très réactif.
− Je vois qu’ils n’ont pas changé leur mode opératoire. L’espace d’un instant, j’ai eu peur qu’il t’ait démasqué, mais personne ne connaît encore ton vrai visage, heureusement pour nous.
Eldan remarqua que la mort l’avait frôlé de près. Il se sentait vulnérable, car, à nouveau, sans une intervention externe, il ne serait plus là à se demander pourquoi il avait été aussi lent à répondre.
Il remercia Merino encore une fois, en réalisant qu’il manquait grandement d’entraînement.
À l’avenir, il ferait plus attention.
Ils n’abordèrent plus le sujet durant le reste du voyage, préférant demeurer concentrés sur la foule pour ne pas se retrouver à nouveau dans une situation aussi délicate. Ils empruntèrent une longue allée qui les mena tout droit à la place fondée par l’architecte Alec Pyla, reconnu comme étant l’un des plus grands artistes de l’Histoire. La fontaine symbolique de la cité, somptueuse copie de la Montagne du Soleil, crachait inlassablement de longs jets d’eau.
En face siégeait le Conseil d’Aquira.